Quatre-cent-quarante-cinquième goutte
Dans le lupanar De Pompéi, penser à Mes consœurs antiques.
Dans la Rome antique, le lupanar était un établissement où se pratiquait le travail du sexe. Ce mot est dérivé de lupa (littéralement « louve » et au sens figuré « courtisane, prostituée » – les filles de la louve).
Dans ce senryū, je parle du lupanar de Pompéi, mais il y en avait évidemment plusieurs. Je pensais surtout au plus célèbre d’entre eux: le lupanar du Viccolo Storto, le seul construit uniquement à cet effet. Situé à l'angle de deux petites rues tortueuses et mal famées de la partie la plus ancienne de la ville, l'établissement disposait de cinq lits au rez-de-chaussée et autant au premier étage. L'activité était soutenue, à en juger par la présence de plus de cent-vingt graffiti – et de fresques érotiques devenues très célèbres.
On peut donc entre autres lire, gravés sur les murs du lupanar:
Hic ego puellas multas futui (« Ici j’ai baisé beaucoup de filles»)
Felix bene futuis (soit «Chanceux, tu baises bien», un encouragement d’une prostituée à son client, ou «Chanceux, tu as eu une bonne baise»).
Pedicare volo («Je cherche un garçon»)
Destillatio me tenet («La chaude-pisse m'a eu»)
Murtis bene / fel («Murtis, tu suces bien»)
Μόλα · φουτοῦτρις («Mola est une baiseuse»)
Alors que la cité comptait trente-quatre lupanars (contre trente-cinq boulangeries, comme quoi on ne se nourrit pas que de pain), on distingue celui-ci des autres car il est le seul à avoir été organisé de façon rationnelle, avec des cellules étriquées les une à côté des autres dans une promiscuité très frappante. Ailleurs, on utilisait des pièces à l'étage d'une maison ou d'une auberge, avec entrée indépendante par un escalier donnant directement sur la rue.
Les tarifs allaient d’un minimum de deux as, équivalent à un verre de vin, jusqu’à un maximum de seize as. Il fallait donc que les collègues de l’époque fassent comme celles d’aujourd’hui: enfiler les passes pour espérer se faire un revenu décent.