Cinq-cent-quinzième goutte
Fichée sur ton pieu Je te laisse jouer à Vlad l’Enculateur.
C’est un lieu commun: les vampires sont sexy. Leur beauté est dangereuse, ce sont des mauvais garçons et des femmes fatales sulfureuses. Leurs victimes capitulent toujours dans un soupir de volupté. Mais pourquoi donc?
Est-ce le fait de sucer du sang qui être une source de fétichisme, un retour au stade oral, quelque chose comme une piqûre de douleur rapide suivie de plaisir? Ou alors, leurs victimes se disent que des centaines d'années de pratique du sexe les ont rendus très, très bons dans ce domaine? Quelle que soit la raison, les gens trouvent les vampires sexy et les écrivain·es fantastiques ont depuis longtemps compris le message; iels s'en servent pour satisfaire leur lectorat – et parfois elleux-mêmes.
Cette histoire de vampire sexy remonte à loin, puisque le vampirisme a de tout temps été une métaphore de l'activité sexuelle, des prédateurs sexuels et des maladies sexuellement transmissibles. Le mot même de vampire est une évolution de cette métaphore. Le mot VAMPIR est le seul mot serbe qui soit aujourd'hui utilisé dans le monde entier; il est apparu pour la première fois dans des documents datant de 1725, expliquant comment un certain Petar Blagojević était revenu d'entre les morts, quelque part près de Požarevac. Il aurait tué un nombre considérable de personnes, dont son propre fils. Mais l'histoire ne s'arrête pas là : un prêtre local décide de brûler le corps de Petar Blagojević, sans que ça n’arrête la contagion vampirique.
La soif des vampires et leur consommation de fluides corporels font d'eux des prédateurs; leurs besoins sexuels sont donc plus bestiaux et plus rudes, ce qui peut constituer un fétiche pour certaines personnes, d'où l'expression necking (littéralement «embrasser dans le cou») qui est utilisé dans le monde anglophone et chez les francophones du Québec. L'autre partie du trope du vampire sexy est liée aux idéaux victoriens de la femme : pâle, frêle et exsangue, peut-être souffrant de tuberculose – et donc oscillant entre le monde des morts et des vivants.
La question de savoir comment les vampires peuvent être sexuellement actifs malgré leur état de mort clinique a tendance dans les œuvres qui les mettent en scène à être éludée ou à être jouée pour rire de façon un peu grinçante. Les autres morts-vivants (comme les zombies) n'ont généralement pas droit à ce traitement, car ils ont presque toujours une apparence moins humaine et sont plus manifestement cadavérique. Toutefois, cette tendance semble changer : d'autres types de morts-vivants, comme les zombies et les momies, sont aujourd'hui de plus en plus représentés comme des êtres humains et physiquement attrayants.
Il est aussi rare que les loups-garous soient traités de la même manière que les vampires, probablement parce qu’il est plus facile de rendre sexy le fait de s'abreuver à des veines complaisantes que de se faire déchiqueter et dévorer (mais bon, il y en a pour tous les goûts dans le monde, je ne souhaite kinkshamer quiconque).